Il roupillait dans la cave depuis un bail. Il se recouvrait de poussière tranquillement, entouré de caisses de livres, de vieux meubles, de radiateurs en fonte, mais ne se plaignait pas, il attendait son heure.

Et son heure est venue aujourd'hui. J'ôte la housse, j'ouvre la boîte, et je découvre le violon. Il a encore presque toutes ses cordes, il est accompagné dans son écrin de velours de tous ses outils et de son archet. Je remballe le tout, et l'emmène vers sa destinée: la rue de Rome, domaine des luthiers de Paris.

Je nous présente dans une première boutique; on nous accompagne dans l'atelier, où deux jeunes gens s'activent. Premier diagnostic: l'instrument a besoin de quelques soins, mais son état n'est pas désespéré. Il pourrait valoir une certaine somme.Je me réjouis trop vite, car la sentence tombe alors comme un couperet: il est trop long ! De 9 malheureux millimètres! Il est out, démodé, on ne pourra rien en tirer! Je repars mon violon sous le bras, moins vaillante qu'avant, mais toujours motivée. Et je le donne à expertiser dans un deuxième magasin, puis un troisième, puis un quatrième.. Cette fois ci j'annonce la couleur, le défaut majeur, en espérant vaincre ainsi le mauvais sort,mais baste, rien n'y fait, mon violon est un renégat, un alien.

En desespoir de cause, j'essaye une nième boutique. Une petite échoppe, personne ne s'interesse à nous, un artiste teste un violon, tandis que le propriétaire bavarde avec un ami. Je patiente vaillament, je peux enfin présenter mon mouton à 5 pattes, j'apprends qu'il est de facture allemande, qu'il a plus de cent ans, mais qu'il n'a pas raccourci depuis le début de la rue, toujours trop long! J'implore le luthier, dites moi quoi faire de ce violon, du petit bois pour le brûler? Tous ce que je veux, c'est lui redonner vie, je n'ai pas besoin d'argent pour manger, mon esprit de lucre est limité! Et miracle, mon bonhomme quitte son air bougon, me dit qu'il a une solution, qu'il sait ce qu'on peut faire, il connait une association qui recueille les instruments pour les envoyer au Mexique, dans une école de musique créée dans un bidonville. Je caresse son bois poli et doux, et je l'abandonne, sans trop croire à cette histoire..

Trois semaines plus tard, je reçois un mail de "La Banda de Musica", on me remercie chaleureusement, on me dit que mon violon sera le premier de l'orchestre, on m'invite à suivre la vie de l'association sur facebook! Le violon a été réparé par le luthier, et il a traversé l'océan. Depuis, je suis l'aventure des enfants mexicains sur la toile, et je me réjouis de leur enthousiasme et de leur motivation

Revis ta nouvelle vie, trop grand petit violon, tu es ressuscité au soleil! Bonne route dans les bras d'un enfant mexicain!

le violon

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